Vallées de la Lys et de la Deûle : une culture à toutes épreuves
Les vallées de la Lys et de la Deûle forment un territoire traversé par les deux rivières dont elles portent le nom. Périurbain et situé dans la proximité directe de Lille, ce territoire aux contours encore vagues peut compter sur son tissu associatif pour créer une cohésion. Rencontre en 2014 avec Elisabeth Pennel, de l’association Le Fil et la Guinde, qui fait vivre la culture en Lys et Deûle.
Qu’est-ce que Le Fil et la Guinde ?
Le Fil et la Guinde (LFELG) est une association qui a été créée en 1985 pour développer le théâtre dans les vallées de la Lys et de la Deûle. L’association s’est rapidement ouverte à des formes de théâtre originales. Au départ LFELG est essentiellement constituée de comédiens amateurs mais depuis, plusieurs d’entre eux sont devenus professionnels. Une de nos particularités a été que très vite, l’association a eu pour objectif d’amener des artistes sur le territoire et de provoquer des rencontres. Nous n’avons jamais fait purement et simplement de la diffusion. Notre travail consiste à monter des projets culturels avec de nombreux acteurs locaux : les intercommunalités, les associations, et le réseau culturel de notre territoire qui compte dans son conseil d’administration des techniciens, des élus locaux et Euralys, un syndicat intercommunal. Il y a également une part non-négligeable de notre activité qui concerne l’organisation du festival Rencontres Théâtrales en Lys et Deûle, une opération de plus grande envergure.
Quel poste occupez-vous dans LFELG ? Quel est votre rôle ?
Nous sommes deux salariées à l’association. Ma collègue est administratrice et quant à moi, je suis chargée de coordination. Mes missions sont donc nombreuses. Je dois développer les projets culturels, faire de la médiation, établir la programmation, m’occuper de la logistique, trouver des partenaires, faire de la communication, et parfois je suis même amenée à toucher brièvement à la technique !
Qu’est-ce qui caractérise votre territoire et le travail culturel sur votre territoire ?
Les vallées de la Lys et de la Deûle sont un territoire rural mais situé à proximité de la métropole lilloise. C’est une campagne résidentielle et on y construit régulièrement de nouvelles maisons. Il y a donc deux publics : les habitants issus d’un milieu agricole, et ceux qui travaillent en ville. Notre population a par ailleurs une deuxième spécificité : elle est majoritairement jeune. En ce qui concerne le territoire lui-même, les vallées de la Lys et de la Deûle ont un passé industriel, et aujourd’hui le patrimoine lié à ce passé n’est pas utilisé. On compte également de nombreuses associations mais LFELG est la seule association culturelle à vocation intercommunale. Enfin, les vallées de la Lys et de la Deûle n’ont pas vraiment d’existence administrative. C’est un territoire qui a du mal à se définir en tant que tel, et nous sommes donc amenés à intervenir sur le terrain de plusieurs structures intercommunales : le Syndicat intercommunal Euralys, ou encore la Communauté urbaine Lille Métropole. Cela complique parfois l’élaboration de projets.
Comment arrivez-vous à organiser des projets culturels ? Quels moyens ou relais devez-vous mettre en
oeuvre pour y arriver ?
Tout d’abord, nous travaillons beaucoup avec les services sociaux des communes ainsi qu’avec le Conseil général. Nous faisons de l’insertion culture avec eux depuis 15 ans. Ensuite, nous disposons du réseau culturel en Lys et Deûle qui est un autre moyen de faire porter notre voix. Par ailleurs, nous comptons sur 5 communes, certes peu nombreuses mais de taille importante puisqu’elles totalisent 50 000 habitants. Ces communes (Comines, Halluin, Linselles, Wambrechies et Wervicq-Sud) sont partenaires de tous les projets. Enfin, le festival que nous organisons chaque année rayonne jusqu’à Wasquehal, Marquette et Tourcoing. Durant cette période, nous sommes donc amenés à travailler avec des associations culturelles basées dans ces villes.
Quelle place est accordée à la culture sur votre territoire ?
Les élus commencent à être sensibles aux questions de culture, même si de temps en temps il y a encore confusion avec le tourisme. Parfois, ils ont aussi l’impression de se faire voler leur public par lille3000 alors que Le Fil et La Guinde organise aussi des opérations à cette occasion. Sinon, nous avons la chance de disposer d’une installation culturelle, le Nautilys, une salle de concert à laquelle est adossée une école de musique. Par ailleurs, le festival que nous organisons a un écho important auprès des élus et des habitants. Il participe à entretenir un certain intérêt pour la culture. Mais il reste encore beaucoup de choses à faire. Par exemple, nous devrions développer plus de partenariats avec les services culturels. Je pense aussi que les fêtes locales (fête des Louches, fête de Jehan Van D’Helle) devraient être mises plus en valeur. Elles gagneraient à s’adresser à d’autres publics que les seuls habitants des communes où elles se déroulent.
Comment se noue la relation au public ?
Nous avons des fidèles, jeunes comme adultes. Pour toucher et fidéliser les publics, nous comptons sur plusieurs choses. Tout d’abord, nous nous appuyons sur les deux lieux de pratique théâtrale amateur qui sont à notre disposition. Ensuite, nous entretenons le contact avec des publics variés : les écoles, les collèges, les maisons de retraite et les écoles de musique. Puis il y a aussi le travail d’insertion culture que nous avons développé sur le versant nord de la métropole lilloise. Et enfin, il y a l’organisation de notre festival chaque année, qui offre de la résonnance à l’association car il rassemble beaucoup de gens. Cependant, il est parfois difficile d’aller chercher de nouveaux publics. En effet, notre territoire est résidentiel et il est donc assez compliqué d’y communiquer efficacement.
Sur quoi repose votre projet triennal de développement culturel ?
Notre projet de développement triennal est axé sur trois grands principes : faciliter l’action culturelle à l’échelle intercommunale, faire davantage de médiation et aller au contact de publics variés. Pour rendre plus claire la dimension intercommunale des actions culturelles, nous avons créé avec Euralys, le Réseau culturel en Lys et Deûle que j’ai déjà évoqué et développé des partenariats avec différentes structures sur le territoire. Par ailleurs, aujourd’hui nous menons l’action culturelle dans une logique de projets, qui passe par la médiation et la co-construction avec les habitants. Cela impliquait aussi de s’ouvrir à de nouveaux publics : bénéficiaires du RSA, maisons de retraite, écoles primaires, etc.
Quel projet spécifique mettriez-vous en avant ?
En mai [2014], nous démarrerons un projet baptisé « Travail et Imaginaire » avec la compagnie Hautblique. Il s’agit d’associer les habitants des vallées de la Lys et de la Deûle autour de pratiques artistiques. Le projet sera pluridisciplinaire puisqu’il mêlera arts plastiques et théâtre. Grâce à des ateliers, les habitants seront ainsi amenés à monter une exposition en rapport avec le spectacle « Les sept jours de Simon Labrosse » de Carole Fréchette que la compagnie Hautblique présentera en mai 2015 aux 29èmes Rencontres théâtrales en Lys et Deûle. Mais avant cela (janvier-avril 2015), les comédiens joueront avec les habitants une petite forme théâtrale qui sera présentée lors de veillées dans les communes du territoire.
Quel est pour vous l’intérêt du Réseau ?
Le Réseau m’a permis de savoir ce qui se fait ailleurs en matière de culture et de casser la solitude du travail culturel. En effet, les rapprochements avec d’autres structures sont rares : les centres sociaux n’ont pas la même vocation que nous et les structures culturelles de la métropole sont de taille beaucoup plus importante. Malgré tout, grâce au Réseau, on sent que l’on participe à quelque chose de fort. De plus, comme le Département est à l’origine de ce dispositif, c’est un accompagnement utile et qui en plus, nous offre une certaine légitimité. Même si pour l’heure, LFELG n’est pas financée par les intercommunalités, notre légitimité nous permet tout de même de participer à leurs réunions.
Selon vous, en quoi la culture participe-t-elle au développement du territoire ?
La culture permet de développer les pratiques collectives des habitants. Elle anime le territoire et participe de la vie locale. Elle apporte aussi une ouverture sur les territoires extérieurs. Bref, elle favorise le développement d’une identité. Mais préalablement à tout ça, il faut convaincre les décideurs et les habitants. Ici nous n’avons pas encore totalement réussi à fédérer le territoire, et ce pour deux raisons. Premièrement, des problèmes de communication persistent : la communication des structures lilloises couvrent le territoire, mais à l’inverse notre communication peine à faire porter sa voix dans la métropole. Puis d’un autre côté, il y a les problèmes de transports : les transports en communs permettent de se rendre à Lille mais ne permettent pas de se déplacer au sein des vallées de la Lys et de la Deûle.
Y a-t-il un fait important que vous aimeriez nous faire partager pour clore cet entretien ?
Avec les élections municipales, nous avons un nouvel adjoint à la culture Wervicq. Il a démarré le théâtre au collège grâce à nous, et maintenant, il est devenu directeur technique de théâtre. C’est à la fois surprenant et émouvant. Il souhaite s’investir dans l’action culturelle sur Wervicq et c’est une bonne chose. Nous espérons qu’il apportera à la commune une meilleure vision du développement culturel et qu’il sera en mesure de mettre fin aux confusions entre culture et tourisme.