Région d’Arleux : près de tout, mais surtout près de vous
Souvent, on pense à tort qu’il ne se passe rien entre les agglomérations qui constituent nos points de repère géographiques. Entre Cambrai et Douai il y a pourtant un territoire, avec sa vie associative, sa vie culturelle et ses acteurs, qui travaillent au quotidien pour la faire exister. Rencontre avec Sophie Faidherbe, chargée de mission culture, au Syndicat Intercommunal de la Région d’Arleux (SIRA).
Qu’est-ce que le Syndicat Intercommunal de la Région d’Arleux ?
Le SIRA est un Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI). Il regroupe 16 communes rurales entre Douai et Cambrai. Il a été fondé en 1958 et à l’époque, ses compétences étaient plutôt techniques. La situation a beaucoup changé, puisque de nos jours il prend essentiellement en charge des missions de développement et de service à la population. D’ailleurs, cette année [2014], il perd sa dernière compétence technique, à savoir l’électrification rurale. Les 16 communes qui le composent adhérent également à la Communauté d’Agglomération du Douaisis, et le SIRA prend le relais sur les compétences dont celle-ci n’est pas dotée. Ses missions sont variées : la prévention jeunesse, la petite enfance, l’insertion, le développement d’activités pour les familles et les seniors, la santé et bien sûr, la culture. Tous ces services travaillent sur le même lieu, ce qui facilite les échanges et l’émergence de projets transversaux. Preuve de cette transversalité, en 2012 nous avons obtenu de la Caisse d’Allocations Familiales du Nord (CAF) l’agrément centre socioculturel intercommunal.
Quel est votre rôle au sein de la structure ?
Je suis chargée de mission culture. Auparavant, mon rôle consistait essentiellement à choisir les spectacles. Maintenant, on ne se contente plus de ça : on ne raisonne plus par spectacle, mais par projet. Cela implique qu’on fasse participer les habitants à la vie culturelle. On développe des actions autour des spectacles qui de ce fait, ne sont plus une fin en soi. Le travail culturel est un prétexte au travail social. Par ailleurs, pour mener à bien ces projets, il faut faire preuve de polyvalence. Aujourd’hui, mon travail compte de nombreuses tâches différentes : billetterie, communication, budget, animation, etc.
Pouvez-vous dresser un portrait de votre territoire ?
C’est un territoire à échelle humaine, puisqu’il compte 18 000 habitants. Il est constitué de communes rurales mais situées à proximité des villes. Nous sommes à cheval entre le plateau agricole de l’Ostrevent et la vallée humide de la Sensée, qui est un territoire un peu plus touristique du fait de son patrimoine naturel (les marais, les bois) et culturel (les mégalithes, les chapelles et calvaires, les traditions…). C’est un attribut intéressant car il offre la possibilité de créer des parcours de randonnée et des projets culturels. Parfois, même les habitants du territoire ne savent pas que ce patrimoine existe près de chez eux, il y a donc un vrai travail à effectuer autour de ça. Pour ce qui est de la population, elle est à l’image du territoire : divisée en deux. Il y a une population rurbaine, qui travaille à Lille ou Douai tout en appréciant le confort de la vie à la campagne, et une population locale qui travaille et vit sur place. Une partie de la population n’est pas très mobile. Outre le fait qu’il n’y ait pas de transports en commun, une certaine notion de mobilité psychologique entre aussi en jeu. En effet, ce public n’a pas l’habitude de se déplacer. C’est d’ailleurs pour ça que notre centre socioculturel vient d’investir dans un fourgon 9 places.
Quelle place est accordée à la culture dans votre territoire ?
Le projet culturel occupe une place centrale au SIRA. C’est la colonne vertébrale de toute son action. La culture est par excellence l’élément transversal de notre travail et elle est constamment en relation avec les autres services intercommunaux. Évidemment, les élus y sont sensibles depuis plusieurs années. Cependant, il n’y a pas d’équipement culturel sur le territoire : ni lieu de spectacle, ni locaux pour le centre socioculturel. Mais nous essayons de transformer ce handicap en force. On devient en quelque sorte un centre socioculturel itinérant, qui va partout mais surtout au plus près des habitants.
Comment faites-vous vivre la culture ? Quels sont les outils à votre disposition ?
Le mot central des métiers de la culture aujourd’hui, c’est encore et toujours le mot « projet », qui contient le sens de co-construction. Un projet s’élabore avec tout un tas d’acteurs. Tout d’abord, il y a une concertation avec les élus et les habitants, on écoute les idées et envies de chacun. C’est important si l’on veut répondre aux attentes du public. D’ailleurs, on constate que les personnes s’investissent d’autant plus quand elles sont à la base du projet. Nous sommes là pour donner une impulsion et après, nous construisons avec les volontaires. Bien sûr, il ne faut pas oublier non plus que ce travail s’effectue avec des professionnels (artistes, compagnies), mais je suis convaincue que la présence d’amateurs apporte aussi beaucoup. À terme, on aimerait même aller plus loin dans la participation des habitants aux projets. Notre principal outil pour faire vivre la culture en milieu rural est donc notre capacité à fédérer et motiver tout le monde.
Quelles sont justement les réactions du public par rapport aux projets que vous lancez ?
La qualité des spectacles, des actions proposées autour, et la proximité avec les gens sont des facteurs déterminants. Quand il y a un travail de médiation culturelle, c'est-à-dire qu’on va chercher le public et qu’on construit avec lui, alors les retours sont forcément bons et les habitants reviennent d’eux-mêmes aux manifestations. Il y a une réelle attente de leur part et on peut même dire que pour certains, la participation aux projets a changé leur vie. Elle leur a permis de sortir de chez eux et de se sociabiliser à nouveau. En revanche, capter de nouveaux publics est un véritable travail de fourmi. La plupart du temps, il faut vraiment faire l’effort d’aller vers les habitants et non l’inverse.
Que contient votre projet triennal de développement culturel ?
Le projet triennal contient de nombreux objectifs qui sont déclinés en actions, comme des réunions, des formations, des animations… Grâce à ce projet, nous pouvons mieux nous organiser, tout en gardant une grande liberté. Parmi nos objectifs, il y a le développement de la lecture publique, la création d’une commission culturelle avec des élus et des habitants, ou encore le montage d’évènements autour des artistes amateurs. Le projet contient aussi des objectifs au long cours. Nous devons par exemple favoriser l’accès de tous les habitants (des petits aux seniors) à une offre culturelle de qualité. Comme je l’ai déjà évoqué, certains n’ont pas connaissance du patrimoine qui se trouve près de chez eux, le leur faire connaître est également un de nos buts.
Y a-t-il un projet en particulier qui vous tiendrait à coeur et dont vous voudriez nous parler ?
Sans aucun doute le projet 7x7 que nous avons mené avec la compagnie Les Tambours Battants. Les habitants du territoire ont eu un rôle prépondérant dans la création du spectacle. La compagnie a organisé avec nous des ateliers qui faisaient participer des collégiens, des élèves d’écoles primaires, des publics en réinsertion, etc. Ils ont joué des petites formes de spectacles dans les bars, ont mangé chez des gens et fait d’innombrables rencontres. En s’intégrant vraiment à la population, ils ont réussi à collecter des histoires d’amour. C’est un sujet intime et il n’est jamais facile d’amener les gens à en parler. Au final, toute cette matière a été utilisée pour créer le spectacle 7x7 qui faisait participer les comédiens professionnels et les amateurs. Il a été présenté lors de grandes soirées appelées « Le Banquet » qui ont eu un succès inattendu. Ce projet a duré deux ans et a donné naissance à un livre et un DVD.
Quel rôle a joué le Réseau dans le développement culturel de votre territoire ?
Avec le Réseau, j’ai dû faire un diagnostic culturel qui a mis en évidence une faiblesse du territoire en termes de lecture publique. C’est également le Réseau qui m’a poussée à rédiger vraiment les projets. Ça m’a permis de cadrer mon travail et de mieux l’organiser. Au début, j’avais peur de me retrouver enfermée dans quelque chose de rigide mais en fait ce n’est pas du tout le cas, et finalement ça a facilité bien des choses. Quand j’ai commencé ma carrière, le Réseau a eu aussi un rôle essentiel dans la mesure où il m’a permis de me professionnaliser et d’échanger des expériences avec les autres. C’est un dispositif très utile et parfois je regrette de ne pas avoir assez de temps pour m’y investir davantage.
Selon vous, comment la culture participe-t-elle au développement du territoire ?
La culture a un rôle important car elle participe au bien-être et à l’ouverture d’esprit des habitants. Elle est toujours mise en dernier, alors qu’en la rendant transversale, son impact est réel. La culture permet de parler de nombreux sujets de façon plus concrète : il y a une différence entre une réunion et un spectacle. En faisant participer les habitants, on crée des rencontres et on favorise leur sociabilité. Il y a beaucoup de choses à traiter à travers la culture.
Y a-t-il un moment fort de votre carrière que vous aimeriez partager ?
Je ne vois pas quel évènement particulier je pourrais décrire. En 16 ans, j’ai connu beaucoup de bons moments. Je préfère retenir de tout ça l’impact qu’a eu la culture chez certaines personnes. Ça a changé des vies. Je pense notamment à une personne qui était renfermée sur elle-même et ne sortait plus de chez elle. Depuis sa participation aux ateliers théâtre, elle a changé du tout au tout. À tel point qu’aujourd’hui encore, elle s’investit dans beaucoup de projets.